Vous connaissez ces adorables – et parfois agaçantes – mascottes énormes qui se promènent dans les rues piétonnes affublées de costumes d’animaux en distribuant des publicités? Les furries, c’est à peu près la même chose. La différence, c’est que les distributeurs de publicités réclament un salaire pour s’habiller ainsi.
Les membres de ce mouvement extrêmement bizarre et en même temps très intéressant sont fascinés par des personnages animaliers anthropomorphes, c’est-à-dire des personnages animaliers à caractéristiques humaines. Les vrais furries portent leur costume avec fierté et conviction. Ils créent leurs propres personnages, avec un amour du détail inimaginable. Leurs personnages ont souvent tout un passé et des traits de caractère bien précis. Ils sont, en quelque sorte, l’alter ego de l’humain.
Fuir la réalité dans un costume animalier
Le fandom furry peut prendre beaucoup de temps, et coûter plus que cher. Des histoires dans lesquelles le personnage vit des aventures extraordinaires, en passant par sa mise en images par des dessinateurs (souvent des spécialistes), jusqu’au vrai but: le costume personnel, taillé sur mesure, qui peut facilement coûter quelques milliers de francs.
Mais qu’est-ce qui peut bien pousser des adultes à se réfugier dans un monde infantile et imaginaire? Pour trouver la réponse à cette question, je suis allé rendre visite à René. Il a 29 ans et habite près de Fribourg, dans un petit village endormi. Ce jeune homme très sympathique se dédie corps et âme au fandom furry. Dans sa vie quotidienne, René est graphiste dans un atelier protégé. Il me reçoit chaleureusement dans son bel appartement, et répond à mes questions avec patience et gentillesse.
Ne pas oublier son humanité
Il a eu son premier contact avec le fandom furry à 16 ans, sur internet. Toujours aussi fasciné qu’au premier jour, il fait aujourd’hui partie intégrante de la scène suisse et en est fier. De nature plutôt timide et renfermée, René devient quelqu’un d’autre quand il met son costume, un mélange de renard et de raton laveur.
«Les gens viennent vers moi, ils veulent me prendre dans leurs bras», dit-il en souriant. Il n’a pas besoin de se forcer, cela se fait tout seul. «C’est le renard qui fait tout le travail. Il a quelque chose de magique.» Mais il n’oublie pas qu’il est humain, contrairement à d’autres furries. Il réussit à séparer les deux mondes sans souci.
Son costume géant – et qui tient bien chaud – lui a coûté 2300 francs. Pour des raisons de confort, il ne le porte que lors de conventions ou lors de rassemblements publics avec d’autres furries.
Pas de remarques, mais des sourires
Je voudrais connaître la réaction des gens à la vue d’un troupeau de gens déguisés en animaux géants. J’imagine qu’il y a des rigolos et des idiots qui ne réagissent pas de façons très sympa. «Cela peut arriver que quelqu’un tire sur la queue. Mais en général, les réactions sont positives. Tu sais, il y a des humains dans les costumes. Quand je me promène avec, j’essaie de donner de la joie aux gens, une joie dont ils se souviendront longtemps.»
Effectivement. J’accompagne René dans une promenade à travers son village. Il porte son costume et il a complètement changé. Son port, ses mouvements, son charisme – ce n’est plus le même homme. Je suis un peu nerveux en passant à côté de la vieille ferme, ou le rangement du bois bat son plein. Mais aucune remarque, aucune insulte ne salue notre passage, mais des sourires et des salutations joyeuses.
Il ne manque qu’une petite amie
Quelques mètres plus loin, nous croisons une famille avec deux enfants. Ces derniers sautillent autour du renard, le serrent dans leurs bras et sont visiblement heureux. Les parents ne semblent pas outrés, n’essaient pas de fuir ou de lancer la police sur cet homme en costume d’animal, qui serre leurs rejetons dans ses bras poilus. Au contraire. Ils prennent des photos en riant et semblent contents de ne pas devoir s’occuper de leurs enfants pendant quelques minutes.
Il est indéniable que René est à fond dans son rôle. Il fait sourire les gens, et cela le rend heureux. Que lui manque-t-il pour être parfaitement heureux? «Je n’ai jamais eu de petite amie. Si j’en avais une, ce serait bien qu’elle m’accepte en tant que furry ou, encore mieux, qu’elle fasse elle-même partie de la scène.»
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